Laccumulation, la structure, lordre, sont au cur du travail de Fabrice Dubreuil qui sarticule autour de la photographie en couleur. Ses photographies, il les tire sur toutes sortes de papiers, généralement de moyen format, ou les publie dans des éditions conçues en fonction de sa méthode de travail. Cette méthode il lévoque immédiatement lors de notre première rencontre consiste à archiver des images quil classe en six ensembles : les figures, les objets, les lieux, le tourisme, les écrans et les « urbains ». Selon lexposition et le lieu, Dubreuil choisit dans ses archives les images quil souhaite associer pour développer des trames narratives, personnelles ou collectives. Ces images sont juxtaposées pour créer des liens grâce aux regards, aux gestes, aux couleurs, aux mouvements des gens quil photographie comme de ceux qui évoluent dans lespace dexposition Le support sur lequel la photo est tirée et son accrochage sont aussi importants pour lui que la photographie en elle-même. « Cest le rapport culturel à limage qui mintéresse, dit-il, je me souviens bien des photos que ma grand-mère calait dans les coins de son miroir, de celles quon met dans son portefeuille, des photos de famille posées sur des meubles ou des posters dans les chambres dadolescents ». Cest un peu cela que Fabrice Dubreuil voudrait prolonger dans ses expositions, un rapport intime, personnel, mêlé à une approche, une histoire collective. Sans doute est-ce pour cela quil réalise des images « ordinaires ».
Cest le cas en 1999 lorsquil colle dans la rue, au moment où les gens rentrent de voyage, des photocopies couleurs dimages de vacances, de ciel bleu Cest le cas aussi quand il punaise aux murs dune galerie des photos imprimées sur du papier courant, pour se rapprocher, dit-il, des posters quon avait dans nos chambres. Ce sont des portraits, des paysages, des images insolites, poétiques, quotidiennes. Son travail consiste surtout à décontextualiser, on laura compris, des images pour en construire dautres. Le petit format des tirages que Fabrice Dubreuil archive lui permet de visualiser facilement le type dassociations quil proposera pour une exposition ou une édition. La publication Lune lautre (2000) a été conçue pour permettre au lecteur de choisir la composition des images : lédition comporte deux livres associés. Lartiste propose ici une lecture à deux mains, une sorte dinteractivité sur papier. Aujourdhui il souhaite creuser cette possibilité de lecture « libre » dans un projet de CD-Rom. Suivant le principe des machines à sous, à partir dune base dimages définie et de quelques combinaisons prédéterminées, lutilisateur devrait pouvoir choisir les images quil souhaite associer. Ce type de composition, ouvertement inspiré par le fameux Cent mille milliards de poèmes de Queneau, rapproche le travail de Fabrice Dubreuil du genre littéraire. Nest-ce pas à ce titre quil évoque les narrations mentales ou visuelles quentraînent ses photographies ?